C’est LA révélation de cette nouvelle étude de la Fédération des Centres de Gestion Agréés (FCGA) consacrée à l’analyse de l’environnement commercial des petites entreprises. A la question « Quels sont vos principaux concurrents ? », 58,8% des dirigeants commerçants et artisans interrogés ont répondu sans hésitation : « Les magasins d’usines ».
Une réponse déroutante qui intervient au moment même où la vente en ligne semblait constituer la première menace pour le commerce de détail traditionnel et l’artisanat.
Les magasins d’usines en tête !
En 2014, ils n’étaient que 23,1% à citer ces spécialistes de la vente à prix cassé qui figuraient alors seulement à la 6e position de ce même classement. Aujourd’hui, la plupart des commerçants et des artisans les désignent comme leurs premiers concurrents. Comment expliquer un tel choc statistique ? Pour Philippe Bloch, spécialiste de la relation client, auteur et conférencier de renom, c’est tout simplement incompréhensible. « C’est une vraie surprise… Surtout à l’heure de l’explosion des ventes sur Internet et du développement des pratiques de consommation en ligne. La dématérialisation du commerce est, à mes yeux, la véritable menace pour les détaillants ».
La vogue des villages de marques
Conséquence de la crise ou tendance de fond, l’engouement des Français pour les magasins d’usines est bien réel. En pleine expansion, les 26 plus grands magasins d’usines (rebaptisés « villages de marques » ou « outlets ») représentent, à eux seuls, 3% du parc commercial français et génèrent un chiffre d’affaires estimé de 1,2 milliard d’euros. Leur secret ? Vendre des articles de grandes marques (invendus, surplus, retours…), principalement vestimentaires, à des prix défiant toute concurrence. Une recette gagnante qui séduit un nombre toujours plus important de consommateurs en quête de bonnes affaires.
Les grandes surfaces avant internet !
Les autres circuits de distribution (42,1%) et les grandes surfaces (40,8%) figurent en 2e et 3e position sur la liste des principaux concurrents des TPE.
À la surprise générale, Internet n’arrive qu’à la 4e place (34,4%) ! Avant les autres artisans (29,2%) et les autres commerçants ou prestataires (28,8%). Cette minoration de la menace que représentent les sites de vente en ligne pour les petites entreprises du commerce, de l’artisanat et des services contraste nettement avec les derniers chiffres de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD).
Selon cette dernière, sur les trois premiers mois de l’année 2017, les ventes sur internet ont progressé de 14,2% par rapport au 1er trimestre 2016 pour atteindre 20 milliards d’euros soit 2,5 milliards de plus que l’an dernier. Cette croissance est tirée par une forte augmentation du nombre de transactions (+ 20,5% sur la période), soit 290 millions de transactions sur le trimestre. Conséquence : dans le commerce de détail, plus d’un tiers des exploitants (36,2%) annoncent que le panier moyen de la clientèle a diminué depuis 2014. Tandis que 32,1% constatent sa stabilité et 6,3% son augmentation. Moins exposés à la concurrence du Web, les artisans déclarent (32,3%) que le niveau de leur carnet de commandes est globalement resté stable au cours des trois dernières années. Ils sont près d’un quart à déplorer sa baisse et un peu moins de 10%, à l’inverse, à se réjouir de sa hausse.
Quelles stratégies pour retenir la clientèle pour les commerçants et artisans ?
Pour conserver leurs clients (assez fidèles pour 56% des répondants) et mieux satisfaire leurs exigences (toujours plus grandes selon 43,4% des sondés), les dirigeants de TPE adaptent d’abord leur offre en modifiant leurs gammes de produits ou de services (17%).
Très réactifs aux transformations de leur environnement commercial, les dirigeants de TPE (15,7%) n’hésitent également pas à proposer de nouvelles prestations à leurs clients. 3e levier actionné prioritairement par les artisans et les commerçants (15,3%) pour préserver leurs chiffres d’affaires : la fidélisation de la clientèle et la communication (notamment sur les réseaux sociaux). Ils ne sont enfin que 14,5% à revoir d’abord leurs prix de vente pour tenter d’enrayer la baisse des ventes.
Avis d’expert
Philippe Bloch, spécialiste de la relation client, conférencier et auteur « Aujourd’hui, tout le transactionnel est en train de basculer dans le numérique. Le magasin doit se démarquer des acteurs du Web en proposant de l’émotionnel, de l’expérience client, de l’empathie, de la formation, du partage d’expérience, du service supplémentaire… »
Il est toujours intéressant de mettre en parallèle, la vision clientèle au regard des résultats de la société Nielsen, qui chiffre les parts de marché des différents canaux de vente. L’hypermarché représente 32% des ventes, ensuite vient les supermarchés, le hard discount (que l’on appelle à présent supermarchés à dominante marques propres)…
Méthodologie de l’observatoire
Tous les mois, près de 70 centres de gestion agréés, répartis sur l’ensemble du territoire national, transmettent les chiffres d’affaires, rendus anonymes, de leurs adhérents à la Fédération. Les indices d’activité sont calculés chaque trimestre, à partir des chiffres d’affaires d’un échantillon de 17 000 petites entreprises de l’artisanat, du commerce et des services. L’évolution des activités est pondérée par le nombre d’entreprises recensées par l’INSEE dans chaque secteur considéré. Un questionnaire est parallèlement adressé chaque trimestre à près de 2 000 petites entreprises représentatives, permettant d’établir le baromètre du moral des dirigeants et de leurs intentions d’investissement et de recrutement.